Voire le Livre >INTRODUCTION AU TEST DE SZONDI<. Deri Susan. (Traduit de l’anglais) Edition : De Boeck-Wesmael, s.a. 199.
203, avenue Louise - B-1050 Bruxelles. Tel xx 32 (0) 2640 7272
Introduction et notes de Jean Mélon. 89 08 02 et de L. Szondi. 1949.
Susan DERI (1916-1983) a été, de 1937 å 1940 date où elle émigre aux Etats-Unis, la plus active et la plus brillante collaboratrice de Léopold SZONDI (1893-1986). La valeur, comme on sait, n’attend pas le nombre des années.
Nous ne savons pas exactement quand SZONDI découvrit - en rêve !- son schéma pulsionnel, mais il est à peu près certain que, des 1937, le test était définitivement constitué dans sa version actuelle, et son application. clinique commençait.
La recherche inédite à laquelle Susan DERI fait souvent allusion dans son livre, et qui compare les profils de 54 sujets «créatifs» dont la plus part étaient des écrivains, musiciens, sculpteurs et peintres connus de Budapest, ce travail fut terminé en 1939, comme l’attestent les notes manuscrites confiées au. Archives SZONDI quelques semaines avant sa mort survenue à New York, le 16 février 1983.
Bien que le test ne fut publié officiellement qu'en 1947, chez Hans HUBER å Bern et, en même temps que la première édition du «Traité du diagnostic expérimental des pulsions» (Lehrbuch der experimentellen Triebdiagnostik), des articles sur le test de Szondi avaient déjà paru dans des revues américaines, le premier à notre connaissance étant celui du hongrois d'origine David RAPAPORT (The Szondi test, Bulletin of the Menninger Clinic, 1941, 5, 33-39), le second, de Susan DERI (Description of the Szondi test : a projective technique for psychological diagnosis, American Psychologist, 1946,1, 286).
Entre-temps, Susan DERI avait obtenu son «Master,» en défendant une thèse á la State University of Iowa, en 1943, intitulée : «Le test de Szondi et son application dans l'investigation de patients déprimés, avant et après électrochoc». Dans le même temps, son mari Otto DERI faisait également un travail de doctorat où il comparait, sur la base du test de Szondi, des musiciens «légers» et des musiciens «classiques».
De source sure on sait que David RAPAPORT préparait un ouvrage important sur SZONDI. Sa mort prématurée devait empêcher ce projet d'aboutir. Quoi qu'il en soit, Susan DERI fut la première - et la dernière jusqu'aujourd'hui - à publier un ouvrage important sur Szondi en langue anglaise. Connaissant les orientations de David RAPAPORT, l'audience qu'il avait conquise rapidement au Etats-Unis et la haute valeur scientifique de ses écrits, on peut imaginer que s'il avait mené à bien son projet, le sort universitaire du SZONDI en eut été changé du tout au tout.
Mais d’être resté dans les limbes académiques, >le< Szondi se porte-t-il plus mal aujourd’hui ? En dépit du peu de bruit que font les Szondiens de par le monde, le test continue d’être largement pratiqué. Chez ceux qui lui restent indéfectiblement fidèles, l'influence occulte de Susan DERI est souvent patente. Nombre de ceux-là que le dogmatisme de Szondi avait pu rebuter, ont trouvé chez Susan DERI une forme de second souffle. C'est que, nonobstant son jeune âge, elle témoigne de qualités exceptionnelles, sur le plan clinique comme au plan théorique.
Débarquant au Etats-Unis à l’âge de 24 ans, armée de son Ph.D. en Psychologie Médicale de l’Université de Budapest, et d'une formation psychanalytique déjà bien entamée auprès de Szondi, Hermann et Balint - ces gens là ne pensaient pas qu'il fallait avoir franchi la «middle-life crisis» pour être confirmé dans la profession - Susan DERI consolide son statut universitaire en même temps qu'elle perce dans les milieux psychanalytiques, de New York. Sans jamais faire partie de l'Association Psychanalytique Internationale, puisqu'elle est psychologue et que, comme on sait, la toute puissante Association Américaine de Psychanalyse, veille jalousement à ce que les non-médecins soient exclus du cénacle.
Comme pour tous les psychanalystes non-médecins fuyant l'Europe à la fin des années 30, son combat en vue de se faire une place au soleil ne fut guère facile. Mais elle était de ceux qui relèvent promptement les défis.
l1 est certain qu'elle a dû faire un immense travail pour traduire le langage szondienne en termes acceptables pour un clinicien nord-américain, allergique au grandes envolées théoriques autant qu'épris de bon sens commun, de positivisme naïf et de pragmatisme. De cet affrontement résulte le travail qu'on va lire.
Malgré qu'elle s'en défende d'emblée, refusant d'accorder, à chaque signe szondian une signification univoque, Susan DERI ne peut pas - et ne veut pas - éviter complètement le piège qui lui est tendu. Le reproche est souvent fait au Szondiens d'exploiter l’ambiguïté, et il est vrai que l'instrument invite à cultiver la réponse normande. L'interprétation «dialectique» va évidement à l'encontre du souci de produire une diagnostic «positif», mais il est bien clair que cette dernière exigence ne peut être indéfiniment contournée.
Susan DERI s'efforce constamment de remonter la pente où entraîne naturellement la pratique d'un test construit sur une base et selon des principes éminemment dialectiques. Elle y réussit admirablement, au prix d'un radicalisme théorique toujours à la limite de l'impossible pour un esprit aussi sensible au infinies nuances de la clinique psychanalytique.
Aussi prend-elle souvent le risque d’être péremptoire dans ses affirmations, optant résolument pour un style assertif.
Laissons au praticiens chevronnés le soin de mitiger quelques unes de ses formulations par trop catégoriques. En dresser la liste ne serait pas difficile mais cela nous entraînerait à déborder le cadre d'un simple avant-propos.
N'oublions, pas d'ailleurs que Susan DERI intitule modestement son ouvrage «lntroduction». Elle n'avait ni le souhait ni le goût d'écrire un traité. Elle a pleinement accompli le dessein qu'elle s'était fixé.
Bien qu'elle ne propose aucun schème interprétatif particulier, Susan DERI énonce chemin faisant toutes les règles, auxquelles obéit nécessairement l'interprétation raisonnée du test.
Je crois utile d'en présenter ici un résumé que j'espére fidéle. Ces RÈGLES sont, dans l'ordre, les suivantes:
1. Aucun signe ne peut être interprété sans tenir compte de tous les autres.
2. Un signe isolé ne peut recevoir de signification que dans un temps second, le premier temps, respondant à l'établissement d'un diagnostic de structure.
3. Le diagnostic de structure ne peut ignorer ni l’âge du sujet, ni son statut socio-culturel, l'un et l'autre de ces facteurs excercant une influence déterminante sur l'organisation de ladite structure. Cédant au pragmatisme ambiant, Susan DERI nomme quatre grandes structures: normale (sublimée, ou simplement adaptée), névrotique (hystérique ou obsessionnelle, narcissique ou objectale), psychotique (schizophrénique, maniaco-mélancolique ou épileptoide) et antisociale (vagabonde ou criminelle).
4. Le plus grand compte doit être tenu de la rigidité ou de la mobilité dans la succession des profils, l’optimum correspondant à une plasticité de bon aloi, le plus péjoratif à une variabilité ou une stéréotypie excessive. De quoi il résulte qu'aucun diagnostic sérieux ne peut être posé sans référence à un nombre suffisant de profils, le chiffre 10 prôné par SZONDI, valant comme norme minimale.
5. Lorsque ces caractéristiques globales ont été fermement établies, on peut amorcer l'analyse détaillée, par vecteur en commencent par le plus pathologique, lequel se signale par
a) la plus grande charge ou la plus grande vidange,
b) par le plus haut degré de désintrication pulsionnelle: uni tendances, chargées, clivage, diagonaux, renversements en miroir.
6. Enfin, le diagnostic «comportemental» - que révèle souvent le premier profil - doit s'articuler avec, le diagnostic «structural» qui fait intervenir les quatre points de vue promus par la clinique psychanalytique:
· topique (balance entre les vecteurs CS-PCS et ICS),
· dynamique (intrication/désintrication),
· économique répartition des charges) et génétique (degré d'évolution maturative).
Dans son introduction SZONDI a bien pointé ce qui fait l'originalité - et le charme - de Susan DERI: elle a traité chaque facteur comme s'il s’agissait de sujets humains, concrets, si intimement compris par elle qu'ils en sont devenus étrangement familiers. Cette compréhension quasi immédiate l'autorise à élaborer une théorie d'une haute valeur phénoménale-existentielle.
Pour terminer, nous signalerons encore que l'analyse du moi élaborée ici annonce les développements théoriques produits par SCHOTTE en 1975 sous l'appellation de «théorie des circuits personnels».
Je laisse au lecteur le plaisir de découvrir en Susan DERI un auteur extraordinaire-vivant capable de bousculer, pour le plus grand bien de tout clinicien, quelques certitudes dogmatiques et de dépoussiérer quelques concepts.
Jean Moulin.
Introduction de L. Szondi:
Mon élève et ancienne collaboratrice Susan DERI, intitule modestement son livre «lntroduction». Son contenu prouve cependant que cet ouvrage va au-delà d’une simple introduction. A trois points de vue différents, c‘est un complément absolument nécessaire et magnifiquement réalisé pour l’élaboration de mon livre intitulé Diagnostic expérimental des pulsions
· Tout d'abord, Mme DERI a réussi à présenter le processus de pensée dynamique qui préside à l´ interprétation du test. Ni moi-même, ni aucun de mes collaborateurs n'y avions réussi.
Deuxièmement l'auteur complète le Triebdiagnostik par une présentation complète et vivante des huit facteurs de mon système pulsionnel.
Quand Mme DERI me rendit visite récemment á Zurich et me lut 1es chapitres de son livre qui traitent de facteurs de comportement, je vis clairement ce que moi-même avais omis dans mon livre. Depuis la toute première minute de la naissance du système des pulsions jusqu'à la dernière mise au point du diagnostic pulsionnel, Mme DERI participa personnellement á tous mes soucis et mes enthousiasmes. Elle connut les tribulations de la recherche jusqu'à ce que finalement et laborieusement la bonne voie soit trouvée.
C'est seulement grâce å son expérience personnel, que Mme DERI pouvait comprendre si profondément les huit facteurs pulsionnels. Elle assimila le concept comme si les huit facteurs étaient réellement huit êtres vivants auxquels elle serait liée à jamais par des liens d'amitié.
En troisième lieu, elle prit sur elle la tâche importante de faire comprendre au psychologues américains l'aspect fondamentalement original de l’européenne Seelenkunde. Nous, Européens, poursuivons encore une forme «épique» de la psychologie, telle que nous l'avons apprise de DOSTOYEWSKY et de FREUD.
L'histoire de 1'åme d'un homme est encore pour nous une histoire héroïque que nous aimons raconter, patiemment en longues phrases. Cette forme de présentation épique n'est pas adaptée au rythme de la pensée américaine. Dés lors, une livre comme celui de Mme DERI m’apparaît indispensable pour combler les différences entre un raisonnement et la présentation d'un cas.
Les psychologues qui, en Amérique, travaillent dans le sens d'une nouvelle conception du diagnostic psychologique profond apprécieront et bénéficieront, je l’espère, de la sincérité des efforts scientifiques et de l’extraordinaire facilité de cette pédagogue née qu'est Susan DERI.
L. SZONDI
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